Panneau entourage Witz conservé à Annecy
Un panneau fragmentaire du Musée d’Annecy :
L’œuvre de Konrad Witz pose de nombreux problèmes d’attributions qui nous semblent délicats à aborder pour des raisons méthodologiques. Les hypothèses avancées par les historiens reposent souvent sur des analogies iconographiques ou formelles qui peuvent être réfutées. Les sources premières sont rares et ne renseignent que de manière indirecte sur les commandes.
Pour conclure notre étude, principalement axée sur les originalités iconographiques des œuvres attribuées avec certitude à Konrad Witz, nous souhaitons présenter un panneau fragmentaire conservé au Musée d’Annecy qui fut longtemps attribué de manière abusive à l’artiste bâlois. Cette étude de cas nous permettra de prolonger nos réflexions sur la peinture witzienne, en particulier par rapport à la diffusion des modèles.
Notice de l’œuvre :
La notice que nous proposons repose sur des recherches personnelles en cours. Le musée d’Annecy attribuait encore en septembre 2005 le panneau à Konrad Witz. La nouvelle attachée de conservation Sophie Marin est revenue avec raison sur l’attribution il y a quelques mois.
Suiveur de Konrad Witz, savoyard ou genevois (deuxième moitié XVe siècle)
Couronnement de
Huile sur panneau de bois de noyer
0,86 * 0,60
n.d.n.s.
Annecy, Musée-château (Inv. 1885-01)
Nous connaissons encore très mal le panneau avant son entrée dans les collections publiques d’Annecy. Il est donné au musée en 1885 par l’Administration des Hospices anneciens. La peinture est de suite attribuée à Konrad Witz par les érudits locaux qui s’intéressent aux peintures anciennes. Cette attribution n’a pas été remise en cause par le musée jusqu’à l’automne 2005. Il est certain aujourd’hui que ce panneau n’est pas de la main du peintre bâlois, même si de nombreux détails sont largement imprégnés du style witzien. La datation que nous proposons place l’œuvre dans le dernier tiers du XVe siècle et conduit à penché vers une attribution à un suiveur de Witz
Une courte étude intitulée Les Primitifs de Savoie (1961)[1] par Pierre Amiet mentionne et reproduit la peinture d’Annecy en l’attribuant à « l’Ecole de Savoie » du milieu du XVe siècle. En 2002, Frédéric Elsig introduit l’œuvre dans un essai du catalogue[2] de l’exposition
Les archives des Hospices d’Annecy aujourd’hui transférées aux Archives Départementales de Haute-Savoie, ont été dépouillées jusqu’en 2002. Il est par conséquent désormais possible de rechercher des documents relatifs aux acquisitions, dons, achats d’œuvres d’art effectués par l’institution hospitalière. Il est probable que des mentions pourront permettre de restituer une partie de l’histoire de l’œuvre. Les conditions d’acquisition et l’origine de l’œuvre avant le XIX e siècle seront des éléments essentiels à une meilleure compréhension de la peinture. Ces recherches relativement longues sont en cours d’élaboration.
Quelques réflexions autour de la peinture :
Il est intéressant de noter que le panneau que nous présentons a toujours été montré côté Couronnement de
Le panneau étudié est un véritable fragment, une trace lacunaire. Fragment d’un tout, car il devait vraisemblablement faire partie d’un triptyque dont les deux autres morceaux sont perdus. Fragmentaire aussi puisqu’il a été coupé au moins sur un côté. Les traces de la coupe irrégulière sont visibles à l’œil nu. L’aspect de la découpe nous incite à penser qu’elle est relativement ancienne (peut-être antérieure au XIXe siècle). Il faut par conséquent prendre en considération le fait que le panneau était à l’origine deux fois plus grand qu’aujourd’hui et que l’ensemble était près de six fois plus grand.
Les motivations des mutilations de ce type d’œuvre peuvent être multiples. Simplement matérielles : il s’agit de faire rentrer une peinture dans un lieu très spécifique et l’ensemble ne peut y être inséré. Relatives à des problèmes de conservation : des insectes xylophages ont pu attaquer une partie du panneau ce qui a contraint le propriétaire à le couper pour interrompre la contamination. L'oeuvre a pu être transféré à Genève pendant els torubles de Réformateurs de 1525 à Genève. La vague iconoclaste ayant été plus virulante qu'en Allemagne, en particulier sous l'impulsion de Calvin.
Ce que la peinture nous montre
A la marge droite du Couronnement de
L’iconographie en elle-même n’est pas très originale.
Certains éléments toutefois semblent issus de réflexions différentes, plus directement liées aux préoccupations de Konrad Witz que nous avons mis en valeur dans le cœur de notre étude. La manière de placer les anges dans l’espace par exemple : ils sont aux marges de la représentation et l’un d’eux est même coupé. D’autre part le rôle joué par le trône est très important. Il fait office de repoussoir et doit d’avantage être vu comme un élément plastique, plus que comme un objet purement iconographique.
Sur la face B, nos recherches portent sur le paysage qui est assez remarquable à l’époque dans ce contexte de création, et sur la représentation d’un édifice militaire à proximité d’un cours d’eau. Nous avons tenté de rattacher cette représentation en consultant l’ouvrage de Blondel consacré aux châteaux de l’ancien diocèse de Genève[1]. L’observation des plans des châteaux permet de proposer deux lieux probables ayant pu servir de référence au peintre. Il s’agit de plans allongés quadrangulaires cantonnés par trois ou quatre tours. Nous pensons au château de Rougemont situé sur la commune de Saoral (canton de Genève), où au château de
La peinture du musée d’Annecy pourrait être attribuée à un suiveur de Witz, à un artiste qui aurait pu apprendre à peindre à son contact. L’œuvre d’Annecy comprend des motifs peut-être empruntés à Konrad Witz mais le traitement nous paraît plus faible, moins convaincant, plus pondéré et rangé. La personnalité de l’artiste qui a réalisé ce panneau n’est pas aussi forte que celle de Konrad Witz. L’artiste souabe a certainement exercé une influence forte sur ses contemporains mais sa personnalité spécifique n’a pu être égalée par les suiveurs. Sa conception du sourire en peinture est parfois fine, dans d’autres circonstances très envahissante. Mais il sait manier habillement des outils plastiques aux ressorts humoristiques. L’œuvre d’Annecy est emprunte de ses ressorts mais les originalités qui ont pu être observées sont transposées d’une manière moins convaincante. Certains éléments ne sont pas compris par l’artiste suiveur.
[1] BLONDEL, 1956
[2] Rivière importante qui se jette dans le Rhône à Carouge, commune limitrophe de Genève.
[1] AMIET, 1964, page 4
[2] COLLECTIF, 2002, page 78
[3] Mémoire de DEA consultable au Musée d’Annecy. Nous ne détaillons pas ici ces résultats car ils ne nous apportent que peu d’éléments pour comprendre le peinture elle-même. Les infrarouges les plus intéressants seront présentés plus bas. Cf. SARGON, 1998